Le Festival d’Armor dans les médias parisiens
Le football, un service public pour la Bretagne
Avec l’ouverture du Festival d’Armor, ce sont toutes les communes du pays d’Iroise qui vivent au rythme du ballon rond, véritable vecteur de lien social.
Par Alexandre Borde et Alexandre Ferret
Mai, c’est le mois des festivals. Et le week-end de la Pentecôte en voit deux en particulier se dérouler simultanément. D’un côté, celui de Cannes, pluvieux et bling-bling. De l’autre, le Festival d’Armor et – aussi étonnant que cela puisse paraître – son soleil à faire rougir les Caraïbes. À 30 kilomètres de Brest, à l’extrême pointe du Finistère, c’est un des plus beaux tournois de football amateur qui met en effervescence toutes les communes du pays d’Iroise.
Luís Figo, Bernard Diomède, Bruno Pabois – l’ancien du grand Brest Armorique FC du début des années 1990 – et plus récemment Yoann Gourcuff sont passés par Plougonvelin, petit patelin de 3 700 habitants. Ici, ce sont plus 1 000 jeunes joueurs prometteurs (moins de 15 et 17 ans) qui s’affrontent dans pas moins de quinze villes différentes. Depuis sa création en 1981, le tournoi est devenu à force de temps et d’abnégation une référence dans la région. « Le Festival a vu énormément de joueurs, devenus pros par la suite, débuter leur carrière sur les pelouses du Conquet, de Ploumoguer ou de Plouarzel. C’est une fierté pour tous ceux qui aident à l’organisation du tournoi. Ça nous donne de la légitimité et ça récompense symboliquement le travail de tout le monde », analyse Stéphane Corre, président du Festival d’Armor. L’identité bretonne est évidemment mise à l’honneur, mais d’un point de vue positif : l’hospitalité plutôt que le rejet de l’étranger.
Le Brésil, Malaga, le Stade de Reims
Sur les trois jours du week-end, les équipes de jeunes du Standard de Liège, du Stade de Reims, de Malaga, de Rennes, de Brest et de 70 autres clubs se défient sur les nombreux terrains finistériens. Même le Brésil est de la partie avec la formation du Sporting Sul qui a fait le voyage cette année. Pas une simple manifestation sportive folklorique, une vraie compétition d’envergure.
Parfois, l’enjeu sportif monte même aux têtes. Certaines équipes n’hésitent pas à tester la rigueur des organisateurs et la fermeté du règlement. Cette année, chez les moins de 15 ans, les entraîneurs roumains du Brasov Benta auraient d’ailleurs bien apprécié que les organisateurs soient moins regardants sur certains points du règlement. « Ils ont joué des matches avec quatre joueurs nés en 1996, ce qui est trop vieux, et ils nous ont demandé une dérogation. Peu importe la justification, ce n’est pas possible. Par respect du règlement, mais surtout des autres équipes. Mais nous avons l’habitude, ça arrive de temps que certaines équipes essayent de contourner les règles, mais ça n’est jamais bien méchant », explique Marc Querré, l’un des trois responsables sportifs du Festival. Du coup, même si les matches ont déjà été joués, sur les feuilles de résultats, ça sera défaite sur « tapis vert » (sur un score de 3-0). L’équipe roumaine a donc fait le déplacement pour rien. Pour le Brasov, l’échec est sportif, mais l’essentiel est ailleurs.
« Beaucoup de ces jeunes font leur premier voyage loin des parents à l’occasion de ce genre de tournoi. Pour eux, c’est une aventure humaine extraordinaire avec des souvenirs plein la tête. Et puis cela forge les bases du respect avec le coach qui incarne une autorité de substitution », analyse Éric Thomas, président de l’Association française de football amateur (AFFA) et ancien candidat à la présidence de la FFF, qui parraine le tournoi avec Emmanuel Petit. L’ancien footballeur a multiplié les bains de foule avec les enfants et les familles ravis d’avoir un champion du monde à leurs côtés. « C’est une valeur ajoutée inestimable quand ces grands noms jouent le jeu. Christian Karembeu nous a laissé aussi un souvenir extraordinaire en 2010, n’hésitant pas à louer une voiture à Nantes un dimanche soir à deux heures du matin et à faire 300 kilomètres pour venir nous voir », se réjouit Stéphane Corre.
10 % de la population bénévole
Mais le Festival d’Armor va bien au-delà du football. Cet événement assure une mission de service public : maintenir le lien social dans une région ravagée par la crise de la ruralité. Plus de 300 bénévoles sur la seule commune de Plougonvelin – soit environ 10 % de la population locale – s’emploient d’arrache-pied et redonnent ainsi à la vie associative ses lettres de noblesse. Un travail de titan est effectué dans chacune des villes partenaires et une énorme logistique se met en place. Des femmes de ménage préparent les chambres des joueurs, énormément de familles sont mobilisées pour héberger les joueurs de certaines équipes (une quinzaine cette année), etc. Et sans parler de ceux qui montent les stands de buvette ou préparent les repas ou gèrent l’accueil des parkings avec pour seul leitmotiv la passion du football. Car en terre d’Iroise c’est toute la population qui se réunit autour du tournoi. Les entrepreneurs locaux n’hésitent pas à mettre la main à la pâte – soit en fournissant la nourriture, soit en tant que partenaire de l’événement – et se mêlent aux bénévoles.
Bénévolat et entreprises citoyennes certes, mais le tournoi doit aussi son succès à l’excellente qualité de ses infrastructures qui font de la Bretagne une vraie terre de foot. Des terrains tous les deux kilomètres qui se confondent dans un paysage typiquement celte fait de plateaux avec vue sur une mer déchaînée, des pelouses impeccables saluées par tous les participants et observateurs, mais aussi un investissement croissant dans le synthétique pour favoriser le jeu et préserver l’environnement (plus besoin d’arrosage, par exemple). Et pourtant, seule la presse régionale montre de l’intérêt pour cette manifestation. Pas un seul média national sportif ne s’intéresse à cet événement qui jouit du label tournoi international agréé Fifa, signe de sa crédibilité.
Mais le Festival d’Armor présente une autre particularité, celle de mêler football et aventures extrêmes avec Ouessant. Une île au large du Finistère peuplée de moutons où les navires, comme le pétrolier Olympic Bravery en 1976, sont vaincus par la mer et font naufrage à proximité. Le trajet peut se faire en ferry, en Zodiac (périlleux)… ou en avion. L’isolement insulaire est garanti dans toute sa splendeur avec un panorama sidérant, digne de la Nouvelle-Zélande version Breizh. Autant dire que jouer au football là-bas est épique avec un vent à décorner les chèvres. Et ce sport est encore une fois l’un des rares moyens pour la population de l’île de maintenir un lien social fort avec le continent. Le dévouement est total, comme celui des bénévoles sur place chargés de l’entretien de la pelouse et qui font des miracles malgré les rudes conditions climatiques. Une leçon de vie, mais aussi de compétence.